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Conférence publique à Dosso

L’Observatoire sur le Droit à l’alimentation mobilise les acteurs régionaux 

La coordination régionale de l’Observatoire sur le Droit à l’alimentation de la région de Dosso a organisé le 18 juillet 2017, une conférence publique placée sous le thème : « Etat de la situation alimentaire, pastorale et nutritionnelle dans la région de Dosso ».

Cette rencontre qui s’est déroulée dans la salle de réunion du gouvernorat a vu la participation de quelques 200 personnes, acteurs de la société civile comme responsables locaux ou simples citoyens intéressés par la question du droit à l’alimentation.     

Trois communications ont été présentées en guise d’introduction à cette conférence publique. Une communication du Secrétaire permanent du Dispositif national de prévention et de gestion des crises alimentaires (DNPGCA) de la région, suivie de l’intervention du représentant local de la société civile et enfin une intervention du Coordonnateur national de l’Observatoire sur le Droit à l’alimentation qui a fait le déplacement pour l’occasion.

En prenant la parole en premier, le Secrétaire permanent du DNPGCA de Dosso, M. Amadou Zaqueye Oumarou, a livré une communication axée sur la situation alimentaire, pastorale et nutritionnelle de la région à travers un exposé de la situation département par département de la moyenne des prix des céréales par rapport à la même période de l’année passée et à la moyenne des cinq dernières années avant de passer à la situation pastorales. Il a ensuite fait cas de la situation du pâturage, de la situation des points d’eau, du mouvement des animaux et de la situation des termes de l’échange entre autres…

Ainsi, selon celui-ci, au sortir de la campagne agricole 2016, la région de Dosso avait 13 zones extrêmement vulnérables, 10 zones moyennement vulnérables et 20 zones faiblement vulnérables. Les 23 zones extrêmement et moyennement vulnérables regroupent 520 villages pour une population estimée à 515 611 habitants.

Toujours selon lui, au sortir de la campagne pastorale 2016, le bilan fourrager faisait ressortir un déficit de l’ordre de 610 464 tonnes de matière sèche. Soit 36% des besoins équivalant à 348 132 DBT.

Du point de vue alimentaire, a-t-il expliqué, la situation s’articule autour de trois points. Les disponibilités alimentaires et les perspectives ; les prix des céréales sur les différents marchés ; l’évolution des prix par rapport à la moyenne de l’année passée et par rapport à la moyenne des cinq dernières années.

Par rapport aux disponibilités des produits alimentaires et des perspectives, il faut constater que de manière générale, les céréales sont disponibles sur le marché et avec le démarrage de l’opération vente à prix modérés et de la distribution gratuite ciblée de vivres, le tout combiné à l’intervention des partenaires pendant la période de soudure, « on espère une amélioration de la disponibilité et de l’accessibilité des vivres aux populations », a-t-il indiqué. Toutefois, a-t-il tenu à préciser, la vente à prix modéré concerne l’ensemble des 43 communes de la région de Dosso tandis que la distribution gratuite ne concerne que les départements (Dongondoutchi, Falmey, Dosso, Loga, Boboye).

Par rapport à la situation pastorale, suite aux précipitations enregistrées, les points d’eau de surface contiennent un bon niveau d’eau permettant l’abreuvement des animaux sans trop de difficultés.

Selon M. Zaqueye, même si la situation sanitaire du cheptel est jugée calme dans l’ensemble, dans la région pour cette année, le déficit fourrager enregistré en 2016 a eu des conséquences sur le départ très tôt des transhumants sans que nombre de leurs animaux n’aient été vaccinés.

Les prix des animaux, comparés à la même période, l’année passée, à l’en croire, sont en baisse tandis que les termes de l’échange sont de manière générale en faveur de l’éleveur à cause de la tendance à la hausse du prix du sac du mil (34% comparé à l’année passée).

D’autres indicateurs ont été donnés par ce dernier, notamment pour déterminer les zones de vulnérabilités de même que les stratégies d’adaptation. En l’occurrence, les départs en exode, la vente de produits forestiers, l’artisanat, la vente des petits ruminants…

Suite à l’intervention de Amadou Zaqueye Oumarou, ce fut au tour de Dillé Woultran, représentant de la Société civile de la région de Dosso de prendre la parole pour une brève intervention dans laquelle il a fait également cas de la situation alimentaire, pastorale et nutritionnelle de la région, mais du point de vue de la société civile.

Au sortir de la campagne agricole précédente, devait-il souligner, selon les données recueillies au niveau des services techniques, « il y a 446 villages de Dosso qui sont déficitaires et 102 394 individus qui sont dans le besoin d’aide alimentaire ».

Par rapport à cette situation poursuit-il, le gouvernement est intervenu à plusieurs niveaux. En l’occurrence, suite aux inondations provoquées par les fortes pluies où il a été enregistré quelques 2178 ménages sinistrés sur 14 communes de Dosso. Malheureusement, « seuls 443 ménages ont bénéficié de l’aide de l’Etat, constituée de 44,3 tonnes de riz ».

En outre, toujours selon celui-ci, l’Etat a procédé à la vente à prix modéré et à la distribution gratuite de vivre aux populations vulnérables. À ce niveau, a-t-il expliqué, le problème qui se pose, c’est que la distribution gratuite, tout autant que la vente à prix modérés sont très insuffisantes mais aussi entachées d’irrégularités.

En prenant la parole à son tour, le coordonnateur national de l’Observatoire sur le Droit à l’alimentation, Diori Ibrahim, a expliquer qu’il était présent à cette conférence pour parler de ce droit, de son contenu et de ce qui est attendu dans le cadre de sa mise en œuvre. C’est l’occasion, selon lui, de faire le point sur les avancées en la matière, mais aussi d’aborder les objectifs visés à travers la présente conférence publique. Conférence qui est la première d’une série de conférences qui se dérouleront tour à tour dans différentes localités du pays, a-t-il indiqué.

Diori Ibrahim a, de ce point de vue, fait la genèse de la création de l’Observatoire sur le droit à l’alimentation et sur les motivations des structures qui le composent tout au long du processus de sa création.

Les fondements de ce droit, ses implications et surtout le rôle de l’Etat dans sa mise en œuvre, en tant que porteurs d’obligations, ont été rappelées aux uns et aux autres.

Notre souhait, a expliqué ce dernier, « c’est que l’observatoire travaille en synergie avec tous les acteurs présents dans la région de Dosso et qui ont un intérêt pour ce sujet ». Selon lui, l’objectif visé est, « de créer une dynamique citoyenne afin d’amener les acteurs publics et non publics à accroitre leurs efforts pour que l’insécurité alimentaire diminue dans notre pays, même si l’objectif ultime c’est plutôt d’y mettre fin... »

Après cette dernière intervention, la parole a été donnée au public pour voir si les exigences en matière de Droit à l’alimentation sont respectées, sinon comment le problème se pose à l’échelle de la région et quelles sont les propositions qui sont faites en ce sens.

Dans cette perspective, cependant, en guise d’interventions, il y a eu plus de contributions que de questions. Des interventions qui se résument d’ailleurs en un certain nombre de recommandations.

Tout d’abord, de l’avis général, le principal problème de la région parlant de Droit à l’alimentation, c’est la vente à prix modérés et la distribution gratuite de vivres, qui, telles qu’elles sont effectuées à l’heure actuelle, ne profite absolument pas aux véritables destinataires.

Selon Hassane Bana, l’un des intervenants, la vente à prix modérés est tout simplement une mascarade. En ce sens, selon lui, « c’est une sorte de réseau mafieux qui a été mis en place, impliquant tant les municipalités que des acteurs de la société civile ‘’corrompus’’, au profit seulement des parents amis et connaissances ». Pour lui, la seule façon de mettre fin à cette situation, « c’est que l’Etat mette fin à la vente à prix modéré et qu’il subventionne les produits alimentaires et qu’il réapprovisionne régulièrement les magasins de l’OPVN pour pouvoir stabiliser les prix et éviter ainsi la spéculation à laquelle s’adonne les commerçants ». 

Réagissant sur la même lancée, Adamou Ibrahim, vétérinaire de son état, explique que, contrairement à ce que rapportait le secrétaire permanent du Dispositif national de prévention de la gestion des crises alimentaires, le terme d’échange n’est ni favorable aux éleveurs, ni favorable aux cultivateurs mais plutôt aux commerçant.

Pour lui, non seulement il faut revoir les critères de ciblage des familles vulnérables qui doivent recevoir l’aide de l’Etat mais il est aussi nécessaire pour les populations de s’adapter à la nouvelle donne en matière climatique. En l’occurrence, en préférant les semences nouvelles qui peuvent produire en trois mois au moins. Car il faut se rendre à l’évidence, la saison des pluies sur laquelle les agriculteurs se basent est de plus en plus courte et précaire.

Plusieurs autres intervenants ont réagi aux interventions aux communications présentées tantôt. Notamment M. Zika qui, lui, planche pour une amélioration de la production agricole mais surtout pour un changement de comportement. Notamment de comportement alimentaire en vue d’atteindre l’autonomie alimentaire. Selon lui, la résilience climatique doit impérativement être expliquée aux populations mais il faut également attirer leur attention sur une autre question nom moins importante, la question démographique…

De nos jours, a-t-il souligné, les populations doivent procéder d’elles mêmes à une réduction de la natalité en vue d’adapter leur natalité à leur capacité à prendre effectivement en charge leur progéniture. Pour lui, c’est une simple question de bon sens mais s’il faut sensibiliser, cette tâche doit forcément incomber à la société civile.

Un problème non moins crucial, mais qui peut entraver la réalisation du Droit à l’alimentation a également été évoqué dans les interventions, en l’occurrence la question du droit au foncier.

Selon le premier intervenant qui a évoqué la question, la question du droit au foncier a comme implication, notamment pour les éleveurs nomades, l’impossibilité de trouver des points d’eau, tous les points d’eaux existant étant situés sur des terres appartenant à des particuliers. Dans la région de Dosso, particulièrement dans le département de Dosso, a-t-il martelé, on dénie carrément aux nomade le droit de posséder des terrains. Du coup, « celui qui ne dispose pas d’une seule parcelle de terre à lui, comment peut-il prétendre à un quelconque autre droit », a-t-il interrogé l’assistance ?

À mon sens, a-t-il poursuivi, « il me semble qu’en parlant de droit à l’alimentation, il est clair qu’on parle également de l’accès à l’eau qui devrait logiquement venir avant le droit à disposer de la nourriture… » Je pense sincèrement que ce point doit être revu, a-t-il conclu.

Après avoir laissé parler les hommes dans un premier temps, et après les avoir attentivement écouté, les femmes ont pris à leur tour la parole pour rebondir sur cette question de droit au foncier et s’insurger contre les discriminations sur le foncier à leur encontre.

Pour Hadjo Alfari, on ne saurait parler de droit à l’alimentation sans mettre fin aux discriminations foncières. Dans tout le département de Dosso, a-t-elle expliqué, plus précisément le département de Loga, d’où elle est originaire, « les femmes n’ont pas accès à la terre alors qu’elles peuvent valablement produire, aussi bien que les hommes », selon elle.

Celle-ci a en outre exhorté le gouvernement à soutenir les producteurs en leurs facilitant l’accès aux intrants et aux semences pour produire eux-mêmes, plutôt que de les habitués à la distribution gratuite de céréales qui s’avèrent insuffisantes de surcroit.

L’intervenante suivante, tout en remerciant l’observatoire de leur avoir donné l’opportunité de s’exprimer aujourd’hui, a rappelé un certain nombre de d’actions initiées depuis 2014 par les autorités, mais qui n’ont toujours pas abouties alors même qu’à terme, elles devraient être salvatrices pour les producteurs et les éleveurs de la région. En l’occurrence a-t-elle expliqué, c’est la Maison du paysan dont la construction est achevée mais qui n’a pas toujours ouvert ses portes et les comptoirs agricoles qu’elle souhaiterait voir mettre en route.

Celle-ci s’est dite convaincue aussi, que si les femmes disposaient de terres comme les hommes, personne ne crierait famine à Dosso. C’est pourquoi elle a également appelé à fin des discriminations sur le foncier tout en rappelant que même du point de vue religieux la femme peut également hériter au même titre que les hommes.

En concluant ses propos, celle-ci a rappelé qu’au Niger de manière générale, il y a bien deux saisons. Une pour les cultures de contre saison et une autre en période hivernale. Nous souhaiterions, a-t-elle expliqué, « que la contre saison soit consacrée à la culture de produits plus consistants comme le maïs, le sorgho ou le manioc et non pas seulement à la tomate, à la salade aux carottes qui sont des produit ‘’périssables’’ ». Nous souhaiterions, a-telle conclue, « que l’Etat veille à ce que les femmes puissent accéder à la terre et qu’elle puisse disposer, ne serait-ce que de petites parcelles qui peuvent leur permettre de faire le jardinage et ce, même en période hivernale pour mettre à la disposition des populations des produits frais à n’importe qu’elle période de l’année ».   

En fin de compte, une forte recommandation a été faite par l’ensemble des participants qui en ont appelé à la multiplication de ce genre de rencontres qui contribuent à la sensibilisation des populations. Des échanges qui, de l’avis de tous, devraient se faire essentiellement en langue, voire dans les langues dominantes et ce, pour une meilleure compréhension des thématiques abordées et pour une meilleure appropriation du concept même de Droit à l’alimentation. Ainsi seulement, les populations à la base peuvent valablement œuvrer pour la réalisation effective du Droit à l’alimentation.

 

                                                                 Seydou Assane

 

 

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