Lors du sommet mondial de l’alimentation en 1996, les décideurs de la planète avaient réaffirmé « le droit de chacun d’avoir accès à une alimentation saine et nourrissante, en accord avec le droit fondamental à une alimentation adaptée et le droit fondamental de chaque personne d’être à l’abri de la faim ».
En Afrique de l’ouest, le droit à l’alimentation a été accepté comme obligation juridique par la plupart des Etats qui ont ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels. Au nom de ce principe, chaque Etat a le devoir d’élaborer une politique agricole et alimentaire appropriée répondant aux aspirations de ses populations avec comme objectif d’accéder à la souveraineté alimentaire. Vingt ans après, on est endroit de se demander, pourquoi malgré les engagements pris et tous ces textes ratifiés, la souveraineté alimentaire est loin d’être une réalité sur le continent ?
La réponse se trouve sans doute dans le manque de volonté politique et surtout dans la dépendance de nombreux pays à l’égard des politiques néolibérales imposées par l’Occident. En effet, des décennies durant, ces pays ont privilégié les cultures de rente au détriment des cultures vivrières. En plus, les politiques d’ajustement structurel imposées par les institutions financières internationales dans les années80 les ont poussé à se désengager des secteurs sociaux, à libéraliser les marchés à supprimer toute forme de soutien aux producteurs et à arrêter les investissements dans le secteur agricole et rural qui constitue l’activité principale de plus de 60% de la population de chacun de ces pays. Du coup, la pauvreté et l’insécurité alimentaire se sont accentuées dans cette région.
Devant une telle situation, la Communauté Economiques des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), sous la pression des mouvements sociaux, avait adopté une politique agricole commune. Cette politique dont l’objectif est de « contribuer de manière durable à la satisfaction des besoins alimentaires de la population s’est inscrite dans les logiques capitalistiques qui ont toujours mis en avant la sécurité alimentaire qui ne se fonde sur le principe que « le devoir d’un Etat est de promouvoir des politiques visant à produire localement les produits nécessaires à l’alimentation de la population ». D’autre part la CEDEAO, à travers de multiples projets s’est mise à élaborer de nouvelles politiques agricoles dictées par les institutions de la coopération internationale, basées sur l’adoption du génie génétique dans l’agriculture et l’alimentation.
Ces nouvelles politiques importées ne permettent pas malheureusement d’accéder à la souveraineté alimentaire qui est « ce droit des populations, de leurs Etats ou Unions à définir leur politique agricole et alimentaire, sans dumping vis-à-vis des pays tiers ».
Même dans le contexte actuel de la mondialisation chaque Etat peut définir de manière libre, autonome sa politique agricole et alimentaire et prendre des mesures pour protéger son agriculture ».C’est ce que font actuellement les pays européens qui ont mis en place tout un ensemble de normes de qualité pour leurs produits. Ainsi tout en demandant aux pays africains d’ouvrir leurs frontières pour la concurrence à travers la mondialisation, l’Europe exige que les produits provenant de l’extérieur puissent répondre à ses normes de qualité.
Les Etats africains doivent appliquer la règle de réciprocité en prenant aussi des dispositions protégeant leur agriculture et les paysans si telle est leur volonté d’accéder à la souveraineté alimentaire, l’alternative aux politiques néolibérales qui les ont toujours maintenus dans la dépendance et la pauvreté. Or la la mise en œuvre d’une telle politique suppose une loi d’orientation basée sur la question de l’accès à la terre, à l’eau, aux semences et aux financements pour pouvoir produire mais aussi accéder aux marchés et prévoir des circuits de commercialisation qui puissent garantir des prix rémunérateurs aux producteurs. Et c’est pourquoi, nos pays doivent renoncer à accepter des politiques d’introduction des produits étrangers qui viennent concurrencer les produits locaux. Il faudrait aussi que dans nos pays, le consommateur ait l’information par rapport à l’origine du produit, aux conditions de production, au prix à l’achat pour déterminer ensemble le prix à la consommation car une fois informé de l’ensemble du circuit, il ne rechignera pas quand on lui demandera de payer un prix rémunérateur au producteur.