
Sécurité sanitaire des aliments et protection des consommateurs
- 7 juillet 2016
- / Category Articles
- / Posted By admin
- / No Comments.
Attention aux résidus d’antibiotiques dans les denrées alimentaires d’origine animale
L’élevage au Niger participe significativement à la sécurité alimentaire et à la nutrition de la population (en lait, en viande, œuf…). Cependant, comme la plupart des activités, il est soumis aux aléas climatiques, écologiques, économiques et même sociaux. Ce qui fait que le pays n’arrive pas toujours à assurer des denrées alimentaires saines et suffisantes à l’ensemble de la population. S’il est vrai que depuis longtemps les traditions d’élevage du pays, ont favorisé la santé animale, les politiques de sécurité alimentaire quant à elles ont privilégié les aspects quantitatifs par rapport aux aspects de sécurité sanitaire et à une approche curative des problématiques de santé publique. C’est dans ce contexte, et avec la volonté du Niger de se conformer aux normes, qu’une étude préliminaire sur la détection des résidus d’antibiotiques dans la viande bovine a été menée avec des résultats qui interpellent.
Problématique de la sécurité alimentaire des denrées d’origine animale
Le droit à une alimentation saine et suffisante fait partie des droits fondamentaux de la personne humaine, consacrés par la Constitution du Niger. Cependant, malgré les efforts consentis depuis un demi-siècle au profit d’une large frange de la population, le droit à l’alimentation peine à se concrétiser. En cause, probablement, les politiques et stratégies mises en place qui n’ont pas toujours été suffisantes pour assurer sa concrétisation. En effet, dans l’optique de garantir la sécurité sanitaire des consommateurs il faut éventuellement pouvoir produire en quantité mais surtout en qualité.
C’est ainsi que dans le cadre du contrôle de qualité des aliments, le ministère de l’Élevage en partenariat avec le Projet de productivité agricole en Afrique de l’ouest (PPAAO), a mené une étude préliminaire. Cette étude menée de février à juillet 2015 avait pour objectif d’évaluer les pratiques d’utilisation des médicaments vétérinaires auprès des éleveurs et de détecter la présence des résidus d’antibiotiques dans les viandes de bovins provenant des abattoirs de Maradi au Niger.
De l’utilisation des produits vétérinaires à Maradi
L’étude a relevé que face aux problèmes de santé du cheptel, les éleveurs ont non seulement recours aux vétérinaires privés (2,43%), aux techniciens de l’élevage (89%), aux auxiliaires d’élevage (14,69%) mais parallèlement 62,50% d’entre eux s’adonnent à l’automédication en utilisant des molécules d’antibiotiques comme l’Oxytétracycline, la Pénicilline procaïne G et l’Amoxicilline, entre autres. Les raisons invoquées par ces derniers se résument pour l’essentiel à l’accessibilité aux médicaments sur le marché informel en provenance du Nigeria, de la Chine, de l’Inde, du Pakistan (55%). Ceci combiné à l’insuffisance des services d’encadrement de proximité (40,94%), à l’éloignement de la pharmacie (1,25%) et la non satisfaction des prestations vétérinaires dans 2,81% des cas. Il faut ajouter à cela l’apprentissage quasi systématique de l’acte vétérinaire une fois en transhumance, auprès des éleveurs nigérians, la plupart des éleveurs ayant toujours en tête cet aspect relatif au mythe de la seringue qui veut injecter l’animal malade lui rende la santé.
Par ailleurs, les résultats de l’étude indiquent une faiblesse de la maitrise des modalités d’usage des produits vétérinaires utilisés dans la zone. Des produits que ces éleveurs utilisent sans en maitriser les conditions alors même que l’usage des produits injectables ne doit être que du ressort des professionnels de l’élevage qui, eux mêmes, s’en tiennent aux prescriptions du fabriquant.
À titre illustratif, 96% des éleveurs interrogés reconnaissent ne rien maitriser du dosage et de la posologie. En effet, ces derniers s’appuient, dans l’ignorance, sur les instructions fournies par les vendeurs informels dont environ 88% méconnaissent eux même les paramètres. Il leur arrive aussi d’imiter l’acte vétérinaire auprès des techniciens et auxiliaires d’élevage ; ce qui a pour conséquence, le mauvais dosage des produits administrés aux animaux.
Il en est de même pour le délai d’attente dont respectivement 99,6% des éleveurs et environ 88% des vendeurs informels interrogés disent ignorer. Par ailleurs la notion du délai d’attente n’est abordée dans certains cas par les vétérinaires privés qu’à la veille de la fête de la Tabaski qui consacre l’abattage de beaucoup d’animaux pour la consommation.
Cette problématique nous pose également la question de l’ignorance de la notion des résidus de médicaments vétérinaires dans les denrées alimentaires d’origine animale. En effet, 99,69% des éleveurs et 88,4% des vendeurs de médicaments interviewés ignorent la question à plus forte raison les conséquences.
De la détection des résidus d’antibiotiques dans la viande bovine
Cette étape nous a permis de confirmer la présence des résidus d’antibiotiques dans les viandes bovines issues de l’abattoir de Maradi. C’est ainsi qu’un taux de prévalence de 44,56% a été obtenu. Et même si ces résultats ne renseignent pas sur l’exposition globale des consommateurs de la région de Maradi aux résidus d’antibiotiques, ils posent quand même la problématique de la sécurité sanitaire des aliments réellement dans les denrées alimentaires d’origine animale (DAOA) et les risques auxquels sont exposés les consommateurs.
Ces résultats indiquent que la question des résidus de médicaments vétérinaires devient un problème d’hygiène alimentaire et de santé publique (allergies, intoxications, cancer, antibiorésistance), mais aussi un problème économique, car la présence de tels résidus, ou même l’absence d’un système de prévention ou de contrôle, peut suffire à bloquer des marchés d’exportation.
Cette situation vient s’ajouter aux énormes insuffisances qui subsistent pour assurer une alimentation saine et de qualité aux consommateurs. Il s’agit entre autres, de l’absence des règles d’hygiène les plus élémentaires et des pratiques d’inspection incomplètes dans certaines industries agroalimentaires ; cas de l’inspection ante mortem dans les abattoirs. Il s’agit également du manque d’inspection dans le transport et la distribution de la viande ; il en est de même pour le lait distribué directement sur le marché par les éleveurs ou des revendeurs (risques de dénaturation physico-chimique, brucellose, tuberculose, etc.) »
Même si des structures de contrôle des denrées alimentaires existent, comme c’est le cas du LANSPEX et des Services officiels de contrôle (SOC), mis en place par le ministère de l’Élevage en 2011, il n’en demeure pas moins que beaucoup reste à faire.
En effet, les responsabilités sont partagées entre les acteurs. En ce sens, des actions adéquates doivent impérativement être menées.
Des actions à mener
De ce point de vue, et en ce qui concerne l’utilisation anarchique des produits vétérinaires, il faudra mieux organiser la filière d’approvisionnement en intrants. De plus, il serait indiqué que les producteurs soient mieux orientés sur les bonnes pratiques d’élevage. Pour éviter qu’ils s’adonnent à l’automédication, il est nécessaire que les pouvoirs publics mettent à leur disposition un service d’encadrement adéquat.
Relativement à l’inspection d’hygiène des denrées d’origine animale de manière spécifique il s’avère nécessaire et impératif d’adapter et de vulgariser les textes réglementaires en la matière, tout en développant une coopération avec les associations des consommateurs. En outre, il est opportun de développer une synergie d’actions autour de tous les acteurs allant dans le sens d’opérationnaliser le contrôle. Le renforcement de capacités des structures de contrôle des denrées alimentaires dont le LANSPEX et le LABOCEL s’impose pour mieux évaluer et surveiller les risques de sécurité sanitaire des denrées alimentaires.